mercredi 7 mai 2008

Le e-consommateur est-il un mouton ?

Internet n'inspire pas confiance au consommateur, j'ai eu l'occasion de m'en rendre compte pendant deux ans...
L'e-commerce est un grand méchant Loup.
Pour pallier les débordements et arnaques liés au commerce en ligne, la Loi Châtel, dite "pour le développement de la concurrence au service des consommateurs" (sic) entre en application au 1er juin.
Cinq grandes mesures concernent la vente à distance dont l'interdiction de numéros surtaxés pour la gestion de commande, le remboursement intégral des frais de livraison en cas de retour (sans aucune justification de l'acheteur), l'indication d'une date limite de livraison et la mention d'un droit de rétractation (ce qui soit dit en passant est déjà obligatoire vu que spécifié dans le Code de la Consommation).

Le pourquoi du comment.
En 2007, sur les 6750 sites contrôlés, la DGCCRF a relevé 37% d'anomalies (soit 2% de plus que l'année précédente alors que le nombre de sites contrôlés a augmenté de 30%) qui concernent majoritairement l'absence de mentions légales (64%). En revanche, les fraudes pénalement repréhensibles ont diminué de 3,5%, passant de 16 à 12,5%.
Le législateur justifie cette nouvelle loi par le fait que sur les 12000 réclamations reçues par la DGCCRF pour l'achat de produit, 43% concernent la VAD qui représente seulement 2% du marché. Mais c'est énorme me direz-vous ! Et ce chiffre justifie bien une règlementation sauf que. Sauf que, en décortiquant les données, la FEVAD a en fait mis au jour que la VAD ne concerne réellement que 12% de ces réclamations, le reste étant dû aux FAI et opérateurs télécoms...

Les raisons de la colère.
Cette loi, conçue en un temps record sans concertation avec les acteurs du e-commerce malgré les sollicitations de la FEVAD, provoque un tollé.
En effet, la FEVAD chiffre à 80 millions d'euros le coût annuel des ces mesures pour un marché dont les marges sont relativement faibles selon les secteurs.
Les très gros du marché qui disposent de leurs propres plate-formes logistiques pourront sans trop de peine absorber ces coûts supplémentaires, mais les autres? Les tout-petits, hônnetes, (si, si ça existe, même sur internet) dont je fus. L'expédition d'un colis par La Poste coûte au minimum 5,30 euros, je vous laisse faire le calcul en cas de retractation intempestive pour un produit à 20 euros.

La démagogie détruit les neurones.
Pourquoi toujours dé-responsabiliser l'individu. Après, "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé", "Fumer tue", "ne grignotez entre les repas, ne mangez pas trop sucré, trop salé"..., je propose d'obliger tout commerçant à mentionner sur ses produits "en achetant ce produit, vous dépensez de l'argent". Là, le consommateur serait pleinement averti des conséquences de son geste. Il me semble finalement que dans tout ça, le vrai Big Brother n'est pas forcément celui qu'on croit.
Effectuer un acte d'achat, sur internet ou ailleurs, implique un engagement de la part de l'acheteur. Tout site internet bien géré indique dans ses Conditions Générales de Vente cette notion de contrat. L'acheteur qui prend cet engagement en accepte les règles du jeu. S'il est mécontent de son produit, il doit avoir la possibilité de le renvoyer ou de l'échanger mais sous certaines réserves. Vous vous voyez acheter du poivre, l'utiliser dans votre ragôut et le ramener ouvert au supermarché parce qu'"il est trop poivré" ou "pas assez piquant", en demandant du surcroît à l'enseigne de vous rembourser l'essence ou l'usure de vos semelles ?
Ce qui m'agace prodigieusement, c'est qu'une fois de plus, cette publicité autour de la protection du consommateur contribue à diaboliser l' e-commerce qui n'en a vraiment pas besoin .
Le défense du consommateur est nécessaire, j'en conviens, d'autant qu'il existe de réels escrocs sur Internet ( comme partout). Mais alors que Christine Lagarde compte sur le commerce en ligne pour faire baisser les prix, pourquoi ne pas s'attacher à la défense du e-commerçant, et au vide juridique sidéral qui entoure la fraude au paiement contre lequel le vendeur n'a AUCUN recours légal ...